Valentine : savourer le moment sportif

Valentine Grandjean est la marraine de la 12e jogging-marche Allan Sport Télévie qui aura lieu ce dimanche 13 mars. Pour la jeune femme de 26 ans amputée suite à un ostéosarcome, le sport a joué un rôle essentiel dans l’épreuve de la maladie et du handicap.

Au début, ce n’était rien. Des douleurs ponctuelles dans le pied. Pas de quoi inquiéter la jeune Namuroise, Valentine, alors étudiante pour devenir assistante sociale. Mais les douleurs persistent : on lui diagnostique une entorse, on la plâtre, sans bien comprendre ce qui se passe. Des examens plus approfondis finissent par révéler que Valentine souffre d’un ostéosarcome, un cancer des os qui touche généralement les jeunes entre 10 et 20 ans. Valentine en a alors 21. « Comme c’est un cancer pédiatrique, on a un peu tâtonné avant de trouver ce que j’avais », raconte-t-elle aujourd’hui. L’ostéosarcome étant une tumeur particulièrement agressive, Valentine entre rapidement en traitement : chimio, radiothérapie et bientôt une greffe osseuse, en décembre 2018. « La greffe s’est infectée. Soit je me faisais à nouveau opérer – mais cela n’avait que 5% de chances de réussir –, soit je me faisais amputer. J’avais 24 heures pour décider. »

Des possibilités insoupçonnées

Après son amputation, Valentine est démoralisée. Comment ne pas l’être après ces chocs successifs, au moment où la vie d’adulte se profilait ? « Une des premières choses auxquelles j’ai pensé, c’est que je ne pourrais plus jamais mettre de jupe », explique la jeune femme, adepte du shopping et des sorties entre amis. Joueuse de tennis en interclubs, Valentine pense aussi naturellement qu’elle ne pourra plus jamais monter sur un terrain. « Moi, à la base, il ne fallait pas me parler de handicap. Je ne connaissais rien à ce monde-là. Personne qui ait été gravement malade ou non-valide dans mon entourage… Et puis j’ai rencontré le fondateur de l’asbl Let’s go, lui-même amputé. D’abord, ce que j’ai vu… c’est que ça ne se voyait pas : en pantalon, on ne pouvait pas dire qu’il avait une prothèse. » Valentine accepte de jouer une partie de ping-pong avec lui et commence peu à peu à entrevoir de nouvelles possibilités. « J’ai commencé à courir avec Let’s go, qui organise des entraînements réunissant valides et non valides. C’est ça qui m’a plu : l’aspect inclusif, qui me permet aussi de m’entraîner avec mes amis valides. »

Se sentir vivant

Aujourd’hui, Valentine en est sûre : le sport a joué un rôle essentiel pour surmonter l’épreuve de la maladie et de l’amputation.  « Sans cette rencontre, je serais encore probablement dans ma chaise ! Pratiquer un sport, ça nous fait sentir qu’on est quelqu’un de normal. Ça permet de se sentir vivant, de se lancer des défis, de faire des nouvelles rencontres. Et d’une certaine manière, parce qu’on sait tout ce que ça représente, on savoure beaucoup plus le moment sportif qu’avant. » Une aide majeure qui a aussi un coût : une prothèse de course – distincte de la prothèse de marche que Valentine porte habituellement – coûte entre 10 000 et 15 000 euros, comme les autres prothèses sportives permettant par exemple de faire du vélo. « Sans l’association Let’s go qui l’a financée, je n’aurais jamais pu me mettre à la course… »
Si Valentine a dû interrompre ses études après son cancer, elle travaille aujourd’hui dans un cabinet ministériel, où elle est en charge des infrastructures sportives. La jeune femme s’est aussi remise au shopping et continue à voir ses amis et à voyager. « Bien sûr, tout reste plus compliqué, raconte-t-elle. Quand je pars en voyage, non seulement je dois prendre ma prothèse de course dans ma valise si je veux courir, mais en plus ma prothèse de marche sonne quand je passe au détecteur de métaux… et donc je dois l’enlever devant tout le monde… » Autant d’obstacles au quotidien que les valides n’imaginent même pas ! « L’insouciance, on la perd de toute manière avec la maladie, résume Valentine. On est confronté d’un coup à plein de tabous : la maladie, la mort, et toutes les autres choses comme la perte de cheveux, les perruques… Donc c’est important, notamment à travers ce jogging-marche de savoir et de montrer qu’on n’est pas seul, qu’il y a une cohésion, que ça touche plein de gens. Se montrer, c’est aussi participer à rendre la chose ‘normale’. Les enfants qui m’ont toujours connue avec une prothèse ne la remarquent même pas ! »

Infos 12ème jogging marche Allan Sport Télévie

Départ et arrivée : Avenue Brassine à Rhode-Saint-Genèse à 10h00.

Pour les joggeurs, un parcours de 7 ou 12 km dans la forêt de Soignes. Jogging par groupes guidés par des meneurs d’allure à des vitesses comprises entre 9 km/h et 15 km/h, au choix des participants.

Pour les marcheurs, magnifique circuit de 7 km ou 12 km dans la même région.

Avec la participation de Richard Ruben, Valentine Grandjean et Pierre Sonveaux

Pour plus d’infos: http://www.challengeallansport.be/jogging-et-marche/

Sold Out ! – L’échappée solidaire au Galibier

En 2019, pour ses 50 ans, Jean-Michel Zecca avait réussi le défi fou de se préparer afin de gravir le Mont Ventoux au profit du Télévie.

En 2022, il va remettre le couvert, mais cette fois, pour réaliser ce défi, il a décidé de s’attaquer à un autre monument du cyclisme : Le GALIBIER !
Sommet de légende mythique, terrifiant par sa pente impitoyable, même les cyclistes les plus entraînés le redoutent.

Emprunté par les coureurs du Tour de France à plus de 60 reprises, le GALIBIER est un col hors catégorie avec ses 37kms d’ascension et des passages à plus de 10% ! Le sommet trône à 2642m d’altitude !

En partenariat avec Ethias, Bioracer, Groupe Gobert et Club Med qui nous accueillera à Serre-Chevalier.

Inscriptions et informations

POL WOTQUENNE : QUAND LE MEDECIN EST ATTEINT PAR LE CANCER…

Etre médecin et subir à deux reprises un cancer : c’est le parcours peu banal vécu par le Liégeois Pol Wotquenne, qui travaille aux urgences du CHU du Sart-Tilman, et qui est âgé aujourd’hui de 67 ans. 

Tout commence en 2008. Pol a 54 ans, quand sa prise de sang annuelle révèle un taux d’antigène prostatique spécifique (PSA) anormalement élevé. C’est l’un des signaux d’alerte pour suspecter un cancer de la prostate. « Je finis par détecter le monstre 18 mois plus tard. Un adénocarcinome de la prostate ». Pol choisit alors de se faire opérer à Alost par Alex Mottrie, le « pape » de la technique robotisée pour ce type d’interventions. Le médecin liégeois s’en sort sans trop de séquelles. « Je n’ai pas eu besoin de traitement complémentaire. Je m’estime grandement chanceux, mais j’ai toujours axé ma vie sur la prévention. C’est grâce à cela que je suis toujours là aujourd’hui. Je conseille à chaque homme à partir de 50 ans de faire tester son taux de PSA ». 

Nouvelle attaque du cancer 

Trois ans plus tard, pendant les vacances, Pol se sent anormalement fatigué. «Je me dis : ça y est, je fais sans doute une mononucléose, ou un problème viral ! Je vais voir un confrère infectiologue à l’hôpital de la Citadelle à Liège. Et en constatant les résultats de la prise de sang ; il me dit : tu as une leucémie lymphoïde chronique ! ». A son âge, moins de 60 ans, ce genre de leucémie évolue très vite. Et les traitements aussi : « j’ai eu de la chimiothérapie, et puis de l’immunothérapie. Avec beaucoup d’effets secondaires qu’il faut apprendre à gérer. Avec des hauts et des bas depuis 11 ans. « Fin août de cette année, je me suis même dit : si on ne fait rien, je serai mort dans trois mois. En septembre, j’ai été placé sous « Venetoclax », et depuis lors je vis une véritable renaissance. J’étais essoufflé, anémique. J’étais mourant. Et grâce à ce traitement, les paramètres hématologiques se sont normalisés. Chaque jour, je me lève, je vois le ciel et je me dis : quelle chance ! ». 

Depuis peu, cet interniste aux multiples casquettes a pu reprendre une activité professionnelle plus soutenue. Il s’occupe de former les futurs médecins via des ateliers lors desquels il peut leur transmettre son expérience. « Et je vaccine la troisième dose contre la Covid au personnel hospitalier ! », tient-il à préciser. Se sentir utile, c’est l’un de ses crédos. 

Quels conseils ? 

Face à la maladie qui frappe les personnes atteintes d’un cancer, Pol Wotquenne se veut résolument optimiste.  « Je dirais à ces malades de garder espoir dans la médecine. Quand je vois la rapidité avec laquelle les connaissances évoluent ! Par ailleurs, essayez de mener une vie saine : abstenez-vous de fumer, de boire, de manger des aliments toxiques. Vous résisterez mieux aux traitements parce que votre organisme sera prêt. Depuis mon enfance, j’ai toujours vécu dans d’excellentes conditions. Pas de tabac, pas d’alcool, beaucoup de sport, je mange bio : ça ne m’a pas empêché de me taper deux cancers. Mais comme je m’en désolais auprès d’un collègue urologue, il m’a répondu ceci : si tu n’avais pas vécu aussi sainement, tu serais peut-être déjà mort ! Autre conseil : il faut continuer à rester actif, le plus possible, mais aussi il faut vous renseigner sur le traitement qu’on vous administre. S’intéresser à votre traitement, savoir ce qu’on vous fait entraînera chez beaucoup d’entre vous une meilleure adhésion à votre traitement. »

L’empathie, une attitude essentielle

Pol Wotquenne en est convaincu : la prise en charge des patients passe aussi par un meilleur accompagnement psychologique.  « Le personnel médical dans son ensemble doit faire un effort en termes d’empathie. Je me suis occupé de patients qui avaient la même maladie que moi. Et après avoir instauré un dialogue avec certains d’entre eux, je leur disais : j’ai eu la même chose que vous, et voilà, j’en suis sorti ! Je voulais leur donner de l’espoir. En oncologie, les infirmières, ce sont des saintes ! Le dévouement du personnel médical et paramédical est extraordinaire, mais on pourrait encore faire mieux notamment au niveau psychologique.»

Rester optimiste pour l’avenir

Toujours en traitement aujourd’hui, le médecin liégeois tient à voir l’avenir avec sérénité. « Je suis passé en arythmie cardiaque à la suite d’un traitement précédent. C’est une arythmie consacrée. Je suis donc sous anticoagulant jusqu’à la fin de mes jours. 

Mon traitement actuel doit durer deux ans. C’est quatre comprimés par jour que je prends à midi. Et à terme, on me dit qu’il y a un espoir de guérison. Moi, je parlerais plutôt de rémission. Mais je ne suis pas spécialement inquiet. J’ai confiance dans la médecine.

On m’a souvent dit : profites-en, profite de la vie ! Mais ma vie n’a pas changé avec la maladie. Elle me plaît comme ça. Profiter de la vie, c’est être intégré dans un milieu social, admirer la nature ! Ce n’est pas acheter des grosses voitures ou voyager à l’autre bout du monde ! ». 

Le Télévie : une solidarité toujours nécessaire

Quand on lui enfin parle du Télévie, le médecin liégeois ne peut que regretter qu’une telle opération caritative soit aujourd’hui encore indispensable au développement de la recherche médicale dans notre pays. On le sait, le combat contre le cancer avance, mais il est long et n’est pas terminé. Il ne faut rien lâcher et, comme le dit, le slogan du Télévie, il faut continuer à tout donner.

D.H.

Anne Van den Broeke : haro sur le virus de la leucémie !

La professeure Anne Van den Broeke travaille à l’Institut Jules Bordet ainsi qu’à l’Institut de recherche Giga de l’ULiège.  Elle a accepté pour nous de faire le point sur ses recherches en matière de cancer, entre recherche fondamentale et avancées pratiques dérivées du monde animal.  

Les travaux d’Anne Van den Broeke, financés en partie par le Télévie, portent sur la leucémie à cellules T de l’adulte, ou leucémie ATLL : une forme rare de leucémie qui se développe à cause d’un virus. Les individus qui en sont infectés peuvent l’être durant des dizaines d’années sans développer de symptômes.  « A un moment donné, précise la professeure, l’une des cellules infectées par le virus va se développer, proliférer, devenir très agressive et infecter les autres cellules. Pour l’instant, on ne connaît pas de traitement efficace contre cette prolifération ». 

Du Japon aux Caraïbes 

Chez l’homme, cette leucémie est surtout endémique. « Elle se retrouve dans certaines régions du globe, comme le Japon, les îles Caraïbes, la Roumanie, ou la Grande-Bretagne. Mais avec la mondialisation, elle peut voyager partout ». Le virus peut se transmettre de la mère à l’enfant par le lait maternel. « Au Japon, on demande donc aux mères infectées qui viennent d’accoucher de ne pas allaiter leur enfant. Par contre, dans les Caraïbes, l’allaitement fait partie des coutumes bien ancrées. Il est donc extrêmement difficile de convaincre les mères de famille ». Le virus ne faisant pas l’objet d’une détection systématique, on pense que la population infectée dans le monde est fortement sous-estimée. En Belgique, on ne recense que quelques cas par an. En France, on en compte beaucoup plus.    

De l’animal à l’être humain

Vétérinaire de formation, la Professeure a choisi d’étudier cette leucémie en se basant notamment sur les animaux. « Je m’intéresse aux moutons, qui sont infectés par un virus très ressemblant. On peut l’étudier avant qu’il ne se déclenche dans l’organisme, contrairement à l’être humain. Chez le mouton, on peut décortiquer de façon beaucoup plus précise les étapes précoces de la leucémie. Plutôt que de prendre un échantillon de sang de l’animal, on parvient à trier les cellules et à retrouver celle qui a donné lieu à la tumeur »

Coopération internationale 

La collaboration avec les autres pays est essentielle dans ce processus de recherche. « Nous travaillons avec les Canadiens qui ont d’excellentes infrastructures pour ces animaux ». En tant que vétérinaire, Anne Van den Broeke étudie la présence de ces leucémies chez la vache ou le mouton suite à une conférence d’Arsène Burny, à laquelle elle a assisté. Ces maladies, on s’en préoccupe très peu chez ce genre d’animaux. La chercheuse a alors fait une thèse de doctorat à ce sujet dans le laboratoire du « père » du Télévie. « Ces recherches sur les animaux m’ont permis de voir le virus sous un autre angle ». 

Une avancée importante  

Les Japonais sont affectés depuis longtemps par ce virus. Ils ont donc récolté de nombreuses données auprès de leurs patients infectés asymptomatiques. « Ces patients ont appris suite à un test à l’hôpital qu’ils étaient infectés, ou parce qu’un membre de leur famille a développé une tumeur ». L’étude japonaise a démarré en 2002. « Chaque année les patients en question vont voir le médecin. Et on regarde chez ceux qui ont développé la leucémie s’il existe un marqueur qui permet de dire aux autres (qui n’ont pas ce marqueur) : « OK, vous êtes infecté, mais vous ne courez pas de risque de développer la leucémie ».  Le séquençage à haut débit en cellule unique que nous avons développé grâce à nos recherches permet d’arriver à ces conclusions. On a un désormais un marqueur de risque de développer la maladie Environ 20% des patients infectés ne développeront pas la leucémie. On peut donc désormais les rassurer à ce sujet. Jusqu’ici ni le malade, ni les médecins n’avaient d’idée sur le risque de développer la leucémie ».  

Un virus menaçant pour le génome humain

Le virus de la leucémie à cellules T s’insère dans notre génome, dans notre ADN. « Une fois dans la cellule, il n’en sort plus et il se propage avec la cellule dans le matériel génétique. Une des techniques que nous avons mises au point permet de trouver exactement l’endroit du génome où le virus s’insère. C’est important car le virus va perturber des gènes humains dans le voisinage de ce point d’entrée. Cela nous aide à aussi à comprendre les mécanismes non liés à un virus, mais bien à une perturbation locale du génome humain. Le virus nous sert donc d’outil pour faire aussi de la recherche fondamentale »

Comme tous les chercheurs dont les travaux sont financés par le Télévie, Anne Van den Broeke ne sous-estime pas l’apport de l’opération à la recherche contre le cancer. « Sans le Télévie, on n’aurait pas pu aller aussi loin dans nos travaux. Nos étudiants, nos post-docs sont essentiellement payés par le Télévie. Et sans eux, sans ces gens motivés, on n’y serait pas arrivé ». 

Perspectives d’avenir

Les travaux du Professeur Van den Broeke et de son équipe sont loin d’être achevés. Mais elle se veut optimiste pour la suite de ses recherches. « Le séquençage à haut débit en cellule unique va permettre à terme de retourner en arrière chez les animaux qui ont développé une tumeur, et d’essayer de comprendre pourquoi la maladie a démarré. Cela représente un potentiel certain pour le futur. On va pouvoir arriver à comprendre ce qui a déclenché la leucémie chez l’animal, puis chez l’homme, et permettre à terme d’éviter que les personnes infectées déclenchent la maladie »

D.H.

Cancer et transition maligne : un facteur-clef identifié

Le rôle clef de la protéine NR2F2

Cette étude publiée dans la revue Nature Cancer a démontré que la protéine NR2F2 est un régulateur essentiel de l’état tumoral malin en contrôlant les cellules souches cancéreuses et la croissance des cancers murins et humains.

Federico Mauri ( collaborateur Télévie en 2019 et 2020) et ses collègues ont utilisé une combinaison de modèles génétiques de pointe pour évaluer le rôle de NR2F2 dans le cancer de la peau. Les auteurs ont découvert que NR2F2 est exprimé dans les cancers malins. L’inactivation de NR2F2 bloque la progression des tumeurs bénignes vers les tumeurs malignes et réprime les fonctions tumorales essentielles, conduisant à la régression tumorale. « C’était très excitant d’observer que l’inhibition génétique ou pharmacologique de NR2F2 peut provoquer une régression tumorale ou empêcher la progression vers des états tumoraux malins invasifs responsables des métastases » commente Federico Mauri, le premier auteur de cette étude.

Les résultats suggèrent que NR2F2 pourrait être une cible prometteuse pour le développement de nouveaux médicaments anticancéreux.

« L’une des découvertes les plus remarquables de cette étude est la démonstration que l’inactivation de NR2F2 favorise la différenciation tumorale, conduisant à une régression tumorale. Malgré l’efficacité spectaculaire des thérapies pro-différenciation peu toxiques pour le traitement des leucémies pro-myélomonocytaires, très peu de thérapies pro-différenciation sont actuellement utilisées pour traiter les cancers solides. Le développement d’inhibiteurs de NR2F2 devrait contrôler de nombreuses fonctions cancéreuses essentielles et constitue donc une stratégie très prometteuse pour le développement de nouvelles thérapies anticancéreuses », commente Cédric Blanpain.

Source : ULB

➕ L’étude publiée dans Nature Cancer ICI

Anaïs, une battante


La prise de sang révèle la terrible vérité. On la lui annonce à l’hôpital, où la jeune fille et ses parents sont appelés en urgence. C’est une leucémie myéloblastique aiguë.
« Je ne connaissais pas ce terme-là. Sur le moment, ça ne m’a pas choquée. Mais quand j’ai vu ma mère sortir de la salle en hurlant “Pourquoi, pourquoi ?”, quand j’ai vu mon père tomber en arrière de sa chaise, victime d’une chute de tension, j’ai réalisé que ce que j’avais n’était pas une maladie bénigne. C’est par après, en posant des questions à mes parents que j’en ai vraiment compris la gravité ».

Onze jours dans le coma
Hospitalisée en chirurgie oncologique à la Clinique de l’Espérance, à Montegnée, Anaïs subit 4 chimiothérapies en un peu moins d’un an. À la quatrième, une infection touche tous ses organes, avec une décompensation cardiaque. Pour soulager son coeur, les médecins la placent dans le coma. Il durera 11 jours. « Plusieurs fois, mes parents ont cru que je n’allais pas me réveiller. J’ai dû ensuite réapprendre à manger, à marcher. C’était vraiment comme une deuxième naissance ! ».
La perte de ses cheveux affecte particulièrement la fillette. « Petite, je voulais une longue chevelure, comme Barbie. Chaque fois qu’on me les coupait, c’était un choc. Mais je me sentais très soutenue. Mes parents m’avaient offert un GSM, bien avant mes 12 ans. Mes copines venaient me voir, je faisais des Skype avec ma classe. Je me sentais malade ». Le soutien de ses proches et le traitement administré portent leurs fruits. Anaïs est même déclarée guérie. Et pourtant…

Une rechute inattendue
À 18 ans, trois jours avant son voyage de fin de rhéto, l’adolescente apprend qu’elle fait une rechute de la maladie. Un cas rarissime. Un véritable drame pour elle. « J’ai dû enlever les bikinis de ma valise et les remplacer par des pyjamas. J’ai tout de suite réalisé que j’allais encore perdre mes cheveux, être de nouveau quelqu’un de différent ». Anaïs a beau être préparée à subir ce deuxième assaut de la maladie, elle s’inquiète auprès des médecins. « Vais-je mourir ? Serai-je encore capable de passer par la petite porte ? » À cela, pas
de réponse.
Cette fois, les chimiothérapies s’accompagnent d’une greffe de cellules souches, pour être sûr d’éradiquer complétement la leucémie.
Anaïs est alors traitée au CHU de Liège, dans un monde d’adultes. Un nouveau choc pour l’adolescente. « D’emblée, on m’annonce la couleur : le risque d’attraper d’autres cancers suite à la greffe, plus question de laisser un de mes parents dormir près de moi, plus de basket pendant un an, plus de sorties, plus question de voir mes copines sans masque. Moi qui m’apprêtais à rentrer à l’université… »
À la place, elle passe cinq semaines en unité stérile. S’ensuit une longue convalescence. Au début, Anaïs avale 32 médicaments par jour. Petit à petit, elle regagne de l’immunité. Ses contraintes s’allègent. « Une petite victoire à chaque fois dans ce long combat ».

Enfin guérie
Depuis le 5 octobre, la jeune femme est complètement guérie. Mais elle y pense encore tous les jours. « Depuis mes 9 ans, la leucémie a toujours fait partie de moi. J’y pense très souvent, sans forcément être triste, parfois avec fierté aussi ». Aujourd’hui, elle a décidé de vivre à 200 à l’heure. « Il faut me suivre, parce que j’ai toujours de nouveaux projets. J’ai repris le basket à un bon niveau. Comme mon copain Alexandre, j’espère être diplômée
cette année des Hautes Études Commerciales de Liège, et travailler plus tard dans le domaine de la logistique. On rêve de s’installer à deux, de se marier et d’avoir des enfants.
Comme tous les étudiants. Je veux profiter de la vie à fond ». Le long combat d’Anaïs s’est émaillé de nombreuses rencontres, qui l’ont aidée à reprendre le dessus, comme celles de Marie-Hélène, Lara et Christelle, frappées elles aussi par le cancer. Les deux premières
n’ont pas eu la chance d’Anaïs, qui en parle encore avec émotion. La troisième subit actuellement une rechute de la maladie. Aujourd’hui, la jeune femme se pose des questions : « Pourquoi elles ? Pourquoi ai-je survécu et pas d’autres enfants comme moi ? ».

Grâce au Télévie
Mais la jeune femme tient aussi à remercier ses parents et ses grands-parents qui l’ont entourée de leur amour tout au long de la maladie, et remercier tous les bénévoles qui se dépensent sans compter pour la cause du Télévie. Une cause indispensable pour faire évoluer la recherche : « Je l’ai bien remarqué, huit ans plus tard : les soins évoluent. Des médicaments horribles à avaler ne le sont plus maintenant. On prend moins de pilules qu’avant. Les protocoles sont plus clairs. On sait mieux où on va.
Quand j’ai appris que j’avais la leucémie, j’avais plus ou moins 70 % de chances de survivre. Huit ans plus tard, lors de ma rechute, ce taux était monté à 85 %. Et ma guérison fait
encore augmenter les statistiques ! », dit Anaïs en souriant.
Un vrai message d’espoir de la part de cette jeune femme dont le principal rêve aujourd’hui peut surprendre : « Je rêve tout simplement de mener une vie normale. Être
en bonne santé, avec sa famille, son amoureux, c’est une chance ! On ne s’en rend pas forcément compte ».

Payer, mais combien ?

A l’heure actuelle, dès qu’un médicament a été enregistré à l’Agence Européenne
du Médicament (EMA), la firme qui le produit peut entamer ses négociations sur le prix. En Belgique, c’est la Commission de remboursement des médicaments (CRM) de l’INAMI et le cabinet du ou de la ministre de la Santé qui gèrent ces négociations.

QALY
La clé des négociations est la QALY. Littéralement, une QALY, ou « Quality adjusted life year », est la valeur d’une année de vie en bonne santé. Chaque nouveau traitement médical reçoit un score en QALY : un médicament susceptible de faire gagner au patient 10 ans de vie en bonne santé vaut 10 QALY. La valeur d’une QALY peut être calculée en divisant le produit intérieur brut (PIB) par le nombre d’habitants. « Soit 40.000 euros environ », précise Benoît Van den Eynde, professeur à l’Institut de Duve et investigateur WELBIO-FNRS. « Cette formule est utilisée depuis longtemps pour fixer les prix des médicaments anticancéreux, et ça n’a jamais posé de problème, parce que, jusqu’il y a peu, ces médicaments ne prolongeaient la survie que de quelques mois ou de quelques années. Mais, désormais, il existe des traitements curatifs, comme l’immunothérapie, qui assurent à un tiers des patients atteints de certains cancers avancés une survie à ce point prolongée qu’on peut parler de guérison. En appliquant le système des QALY à un patient de 40 ans guéri par immunothérapie, on obtient 35 ans de vie en bonne santé ! Et la guérison d’un enfant (par exemple avec l’immunothérapie par cellules CAR-T dans le cadre de la leucémie aiguë lymphoblastique) se traduit, selon le système des QALY, par toute une vie en bonne santé : pas étonnant que les prix explosent ! »


BeNeLuxA
Entre le prix de vente des médicaments et leur coût de production, le fossé ne cesse donc de se creuser. Mais lors des négociations, les pouvoirs publics ne sont pas en position de force. D’abord, parce que si la firme pharmaceutique ne parvient pas à fixer le prix qu’elle souhaite, rien ne l’oblige à distribuer un médicament en Belgique.
Ensuite, parce que les négociations entre les firmes et les États sont encadrées par des conventions secrètes : nos pouvoirs publics ne connaissent donc pas le prix accepté par les autres pays. D’où la création de la plateforme BeNeLuxA, qui permet à cinq pays (la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Autriche et depuis peu l’Irlande) de collaborer pour obtenir des prix plus intéressants pour les médicaments innovants, ainsi que la transparence des prix et des accords. L’Association Internationale des Mutualités (AIM) a par ailleurs élaboré un modèle de prix équitable, qui fixe un prix pour l’Europe, mais en l’adaptant au niveau de vie de chaque pays.


Compensation
« Il faut trouver une solution à l’escalade des prix, mais en préservant le potentiel de recherche et d’investissement de l’industrie pharmaceutique pour la création de nouveaux médicaments », estime Benoît Van den Eynde. « Car si une partie de la recherche se fait en amont dans des institutions publiques, quand on en arrive à l’étape des essais cliniques, dont les coûts ont augmenté de façon exponentielle au cours des quinze dernières années, la recherche publique n’est pas à la hauteur : il y a désormais tant de règles, de dispositions administratives et de freins éthiques et légaux qu’un essai de phase 3 est impayable, sauf pour une grosse firme pharmaceutique. »
Sans doute peut-on soutenir que les firmes, quelle que soit l’importance de leurs investissements, les auront vite amortis. « Mais il faut tenir compte de deux éléments »,
précise Benoît Van den Eynde. « D’une part, le taux d’échec dans le développement des médicaments est de 90 à 95%. Autrement dit, le rare produit qui arrive sur le marché doit servir à compenser TOUS les échecs. Par ailleurs, pour rembourser ses énormes investissements, l’industrie pharmaceutique ne dispose que de 20 ans à partir du dépôt du brevet. Or, pour s’assurer de la validité de ce brevet, la firme doit le déposer à un stade très précoce, la mise sur le marché se situant généralement entre la dixième et la quinzième année après le dépôt. Donc elle n’a que 5 à 10 ans pour rentabiliser son produit, car, dès la fin du brevet, un générique apparaît et le marché s’effondre. C’est pour ça que les firmes, qui doivent rester bénéficiaires pour continuer à innover, visent les prix les plus élevés que la société puisse rembourser. »


Trop, c’est trop !
Benoît Van den Eynde suggère aux pays occidentaux d’exiger ensemble des plafonnements. « Il faudrait pouvoir dire aux firmes, de manière unanime : “Aucun pays ne déboursera près de 400.000 euros pour rembourser ou prendre en charge une thérapie cellulaire par cellules CAR-T, et 100.000 euros par an pour l’immunothérapie, c’est trop : les prix doivent baisser d’une manière importante”. Mais, en contrepartie, « il faut aussi respecter leur réalité économique et élaborer, par exemple, un mécanisme qui prolonge la durée des brevets, et donc la vie commerciale des produits. Nous devons rester réalistes : nous avons besoin des entreprises pharmaceutiques, parce que nous avons besoin de l’innovation. »
Marie-Françoise Dispa

175 scientifiques financés grâce à vous

Le 18 septembre dernier, l’opération Télévie atteignait un résultat inespéré en cette période de crise sanitaire avec 10.617.189 € récoltés pour la recherche contre le cancer. La Commission scientifique internationale du Télévie s’est alors réunie le 20 septembre pour sélectionner les meilleurs dossiers parmi les projets déposés. Sur base de ses recommandations, 95 demandes de financement ont été validées par le Conseil d’Administration du FNRS et le montant récolté va permettre au FNRS de financer, dès cette année, une centaine de chercheuses et chercheurs ainsi que 5 nouveaux Projets de Recherche interuniversitaires :

– les chercheuses et chercheurs concernés sont des scientifiques de niveau doctoral et postdoctoral qui mèneront des travaux de recherche dans les différents laboratoires des universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles ;

 – les Projets de Recherche (PDR) bénéficieront du financement des frais de fonctionnement, de personnel et d’équipement : ces projets sont interuniversitaires et impliquent généralement plusieurs disciplines.

Au total, cela représente 82 doctorants, 18 post-doctorants auxquels s’ajoutent 2 techniciens et 1 chercheur.

En 33 ans, le Télévie a récolté plus de 210 millions d’euros et permis au FNRS de soutenir plus de 2.660 chercheurs dans la lutte contre le cancer.

Plus d’infos ICI

Vers une stratégie personnalisée de dépistage du cancer du sein

Aujourd’hui, le programme de dépistage du cancer du sein (« Mammotest ») propose le même dépistage à toutes les femmes de 50 à 69 ans, à partir d’un seul facteur de risque : l’âge. « Ce dépistage permet de diminuer le risque de décès de 20%, ce qui est significatif mais insuffisant », explique le Dr Jean-Benoît Burrion, chef de la Clinique de prévention et dépistage du cancer à l’Institut Bordet, qui coordonne l’étude MyPeBS. Le risque de cancer varie en effet en fonction de l’âge mais aussi de plusieurs facteurs : histoire familiale, antécédents personnels, style de vie, constitution génétique. « Par ailleurs, bien que le dépistage soit efficace, il comporte des inconvénients, rappelle le Dr Burrion. Notamment les faux positifs, qui amènent les femmes à faire des examens supplémentaires après la mammographie alors qu’en réalité elles n’ont pas de cancer. » Les autres inconvénients sont le surdiagnostic (le fait de trouver et de traiter des tumeurs qui n’auraient pas posé problème, une situation qui concerne 20% des femmes traitées) et les cancers d’intervalle (des cancers qui n’ont pas été détectés entre deux examens de dépistage, ce qui représente environ 25% des cas).

Stratégie personnalisée

Coordonnée par Unicancer (France) et associant six pays (Belgique, France, Italie, Royaume-Uni, Israël, Espagne) ainsi que 27 partenaires internationaux, l’étude clinique MyPeBS a pour objectif d’aller plus loin et d’évaluer une stratégie de dépistage du cancer du sein personnalisée. « Nous avons aujourd’hui des outils qui nous permettent de le faire, précise le Dr Burrion, notamment grâce à l’étude des polymorphismes. Les polymorphismes sont des variations génétiques qui ne sont pas des mutations rares à haut risque comme la BRCA, mais des mutations très fréquentes qui, mises ensemble, peuvent accroître le risque. Par exemple, pour évaluer le risque de cancer du sein, on utilise 313 polymorphismes. Chaque femme peut en présenter de 0 à 313, ce qui définit son score de risque polygénique. »

MyPeBS (My Personal Breast Cancer Screening) est la première étude clinique européenne qui vise à évaluer les bénéfices d’un dépistage personnalisé, basé notamment sur ces polymorphismes. La fréquence et les modalités de dépistage (examens complémentaires par échographie ou résonnance magnétique) y seront adaptées au risque individuel de chaque femme. Ses résultats permettront de proposer des recommandations européennes pour améliorer le dépistage organisé et ainsi mieux combattre le cancer du sein.

Pour l’ensemble de l’étude menée dans six pays, 85 000 femmes volontaires âgées de 40 à 70 ans et n’ayant jamais eu de cancer du sein, sont appelées à participer. En Belgique, une dizaine de centres de dépistage, principalement hospitaliers, sont engagés dans ce projet. « Nous avons besoin de volontaires, rappelle le Dr Burrion. Rien qu’en Belgique, nous devrions recruter quelque 10 000 femmes et nous n’en comptons pour l’instant que 580. » Intéressée ? Toutes les infos ICI

Consacrer sa vie à la recherche

Plus jeune, Basile Stamatopoulos, aujourd’hui Chargé de cours à l’ULB, ne savait pas vraiment ce qu’il voulait faire. « J’ai d’abord opté pour l’école d’ingénieur civil à l’ULB, et une fois l’examen d’entrée réussi, j’ai réalisé que ce n’était pas pour moi », se souvient le chercheur. Après avoir ensuite tenté une licence en physique, le jeune étudiant se réoriente en biologie, où il trouve un environnement plus épanouissant.

Michael Herfs, quant à lui, se rêvait vulcanologue. « Jusqu’à ce que je comprenne qu’il n’y avait pas beaucoup de volcans en Belgique, sourit le scientifique, aujourd’hui Chercheur qualifié FNRS à l’ULiège, et que si je souhaitais combler mon besoin de compréhension, les sciences biomédicales seraient sans doute plus indiquées. » Un besoin qui l’a amené à choisir sans hésiter la recherche plutôt que la médecine. « Au fur et à mesure de mes études, la phrase disant qu’on ne guérira jamais une maladie qu’on ne comprend pas s’est imposée à moi », indique le chercheur pour expliquer sa soif d’apprendre.

Reste tout de même une question : qu’est-ce qui pousse à s’orienter vers la cancérologie ? « J’ai d’abord obtenu une bourse du FNRS pour une thèse en biologie moléculaire, avant de me réorienter à nouveau, sourit Basile Stamatopoulos. Il s’agissait de recherches très fondamentales, et j’ai réalisé que j’avais besoin d’une application plus concrète, plus proche des maladies humaines ».

Même son de cloche du côté de Michael Herfs. « La base de la cancérologie, c’est le microscope. On cherche à comprendre ce qu’on voit, ce qui m’a tout de suite attiré, explique le chercheur, contrairement à la biologie moléculaire où on manipule des molécules qu’on ne peut qu’imaginer».

Ce dernier devient Aspirant FNRS et choisit alors comme sujet de thèse le papillomavirus humain, responsable de plus de 90 % des cancers du col de l’utérus, et de certains cancers ORL. Un sujet qu’il explore encore aujourd’hui.

Basile Stamatopoulos, lui, oriente sa thèse sur la leucémie lymphoïde chronique, maladie qu’il étudie toujours à l’heure actuelle, même s’il a changé d’angle d’attaque. « Au fil des projets, j’ai cherché à en comprendre les différentes facettes », résume le scientifique.

NOUVEAUX HORIZONS

Dans la recherche, l’après thèse est l’occasion pour les nouveaux docteurs de découvrir d’autres horizons. « Le post-doc correspond à une ouverture d’esprit, afin de maturer son sujet », confirme Michael Herfs. Ce dernier est donc parti à Boston aux États-Unis durant 2 ans, au Laboratoire de Pathologie Gynécologique de la Harvard Medical School, dont il garde le meilleur souvenir. « J’ai reçu un très bon accueil, se souvient-il. J’ai d’ailleurs gardé un très bon contact avec mon directeur de projet et on s’écrit encore tous les mois ».

Basile Stamatopoulos garde lui aussi un souvenir lumineux de son post-doctorat de deux ans, qu’il a effectué à l’Université d’Oxford, au Royaume-Uni, après l’obtention de plusieurs bourses Télévie en Belgique. « On m’a tout de suite donné beaucoup de liberté, tout en m’impliquant dans dix projets différents, dont certains aboutissent encore aujourd’hui à des publications », raconte le chercheur.

Pour Michael Herfs, le contact avec le Télévie s’est fait à son retour de post-doctorat. « Le Télévie a été extrêmement généreux avec moi en finançant quatre ans de mes recherches. Même si en réalité, je suis tombé dans la potion du Télévie dès le début de ma thèse, plaisante le chercheur. Car dans ce domaine, on en bénéficie tous, de près ou de loin ».

Aujourd’hui, si les deux chercheurs collaborent toujours avec le Télévie en tant que promoteurs, leur parcours a quelque peu différé. Michael Herfs est devenu Chercheur qualifié FNRS, à l’Université de Liège, où il  étudie toujours le papillomavirus. « Nous cherchons à comprendre comment ce dernier échappe au système immunitaire » explique-t-il. En parallèle de ces questions, Michael Herfs développe également des recherches dans le domaine de l’immunothérapie du cancer du sein. « L’immunothérapie est un domaine très excitant où tout est encore à découvrir », s’enthousiasme le scientifique.

Basile Stamatopoulos a, quant à lui, rejoint l’ULB, où il est Chargé de cours. En plus d’enseigner de l’hématologie, il y mène des recherches sur la leucémie lymphoïde chronique, au Laboratoire de Thérapie Cellulaire Clinique de l’Institut Bordet. « Le fil rouge de mes recherches a toujours été d’étudier l’interaction des cellules leucémiques avec leur environnement, explique le chercheur. Cette communication permet aux cellules de rester en vie, et de faire taire le système immunitaire normalement chargé de les combattre ».

Ces différents parcours ne les empêchent pas de se retrouver sur l’importance que représente encore aujourd’hui l’aventure humaine qu’est le Télévie. « Le contact avec les patients est un véritable moteur pour moi, raconte Basile Stamatopoulos. À chaque soirée Télévie, on en ressort beaucoup plus motivé grâce à eux ». Un avis partagé par son confrère. « On ne sort pas indemne du Télévie. Chaque contact, chaque discussion avec les patients et les donateurs donne envie de se remettre à la tâche » conclut Michael Herfs.

Plume : Thibaut Grandjean

Basile Stamatopoulos, chargé de cours à l’ULB
Michael Herfs

Il n’y a pas d’âge pour vaincre le cancer et commencer une nouvelle vie

Le cancer frappe toutes les catégories d’âge. Pour Rita V., l’annonce arrive à un moment où elle s’apprête plutôt à savourer une retraite bien méritée et à profiter des plaisirs de la vie. En septembre 2009, une banale prise de sang montre un taux de globules blancs anormalement élevé. Des examens complémentaires révèlent que Rita est atteinte d’une leucémie lymphoïde chronique (LLC). À ce stade initial de la maladie, la LLC ne nécessite aucun traitement. Seul un suivi régulier s’avère indispensable. « Quand j’ai appris que je souffrais de ce cancer, la vie s’est arrêtée. Je n’arrivais plus à avoir de projets. Je ne voyais pas d’issue. La consigne était  ‘’ wait and watch ‘’  (attendre et surveiller), mais pour moi, c’était devenu ‘’ wait and worry‘’  (attendre et s’inquiéter)».

Dix ans d’attente

Les premières années, Rita ne ressent aucun symptôme, à part une grande fatigue. Voyant les chiffres des globules blancs augmenter, le cancer commence à devenir une réalité, ce qui la ronge d’inquiétude. Elle cherche alors à comprendre sa maladie. « Savoir en quoi consiste précisément ce cancer comblait mon besoin de le maîtriser », explique-t-elle. Elle se documente et multiplie les recherches sur Internet, à travers les sites spécialisés, les blogs scientifiques et les forums de communautés de patients. C’est ainsi qu’elle identifie un éminent spécialiste, Professeur à Londres, qui la met en contact avec la Professeure Dominique Bron, de l’hôpital Jules Bordet. Celle-ci suit Rita depuis lors.

Pendant plus de 10 ans, Rita vit avec l’espoir qu’un traitement puisse un jour venir à bout de son cancer. « On passe par toutes les phases de découragement. Heureusement, j’ai été très bien entourée, ajoute-t-elle. Mon médecin de famille a été constamment présent. Mes amis m’ont aidée à garder la tête hors de l’eau. Tout cela était d’autant plus difficile car je me retrouvais pensionnée. Je n’avais plus mon environnement de travail, mes collègues, mes obligations, ce qui vous permet de penser à autre chose ». En plus de sa passion pour le jardinage, Rita a beaucoup surfé sur le web : « Internet est un formidable outil si l’on s’en sert bien. J’ai pu me documenter sur ma maladie, lister les questions à poser à mon médecin, mais aussi rejoindre des groupes de patients souffrant de la LLC aux quatre coins du monde. Je me suis alors sentie mieux comprise, et moins seule».

Un traitement miracle

En 2019, la maladie progresse rapidement. Rita souffre d’épuisement, de vertiges, de nausées, de bouffées de chaleur et des ganglions apparaissent. Ses globules blancs augmentent à une vitesse inquiétante. Devant ces symptômes, la Professeure Bron décide de démarrer un traitement en janvier 2020. Plutôt qu’une chimiothérapie classique, aux effets secondaires potentiellement lourds, Rita a la chance de recevoir un tout nouveau traitement : une combinaison d’anticorps associés à un inhibiteur d’enzymes très efficace.

Après avoir scrupuleusement suivi toutes les étapes, Rita voit enfin le bout du tunnel et ose à peine y croire. L’évolution de son cancer semble stoppée. Mieux : les analyses ne montrent plus aucune trace de la maladie. L’espoir renaît. « Aujourd’hui, j’ai la possibilité de regarder plus loin, se réjouit-elle. Ce traitement m’a rendu la vie. Ce médicament n’est pas un simple médicament. Comme me l’a dit la Professeure Bron, dans mon cas, c’est de l’or ! ».

Merci la recherche !

Aujourd’hui, Rita savoure ce retour à une vie quasi normale, même si le contexte du coronavirus l’empêche encore d’en profiter à 100 % à cause de son immunité très basse. « Je suis émerveillée par ce que la science peut faire et par les avancées fulgurantes réalisées en quelques années, s’exclame-t-elle. Je suis la preuve que l’on ne doit jamais perdre espoir face au cancer, quel que soit son âge. Des progrès ont lieu continuellement. Ce qui a été possible aujourd’hui ne l’était pas quand mon diagnostic a été posé ».

Outre les percées scientifiques, Rita tient à souligner l’importance capitale du soutien psychologique dont elle a eu la chance de bénéficier. Ses docteurs et son entourage lui ont été d’une immense aide face à la maladie. « J’ai pu tenir le coup grâce à mes amis. S’ils n’avaient pas été là, j’aurais certainement souhaité recevoir un accompagnement extérieur. C’est indispensable car on ne guérit pas seul. Au-delà du cancer, il faut reconnaître que la plupart des médecins ont beaucoup évolué dans leurs relations avec les patients. Ces derniers ne sont pas des cobayes ou des numéros. Avec la Professeure Bron, j’ai eu la chance de bénéficier d’une écoute de tous les instants. À chaque étape, elle m’a expliqué, elle m’a informée, m’a rassurée et m’a encouragée. Elle m’a apporté le meilleur traitement et assuré le meilleur suivi. Nous avons développé une approche constructive, et du coup, rassurante. Quand la science rencontre l’humanité, on assiste à des miracles».

Plume : Catherine Frennet

L’oubli du cancer après la guérison : un droit fondamental

C’est le cas quand ils veulent acheter ou rénover une maison, conserver leur emploi, ou encore terminer des études. Jusqu’il y a peu, de nombreuses compagnies d’assurances refusaient d’octroyer une assurance de type « solde restant dû » ou appliquaient des surprimes importantes quand un de leurs clients, guéri du cancer depuis plus de dix ans, désirait contracter un crédit hypothécaire ou un crédit professionnel. Cela constituait en quelque sorte une double peine pour les rescapés du cancer. Depuis peu, heureusement, les choses ont changé.

« En 2016, explique la Professeure Françoise Meunier, cancérologue et membre de l’Académie royale de Médecine de Belgique, la France a été le premier pays européen à créer une loi sur le « droit à l’oubli ».  Je me suis dit « si ça marche en France, où on trouve plus ou moins les mêmes compagnies d’assurances que chez nous, ça doit aussi pouvoir marcher en Belgique et dans toute l’Union européenne ». Cela fait 7 ans que la cancérologue se bat pour faire adopter ce droit à l’oubli en Belgique et au sein de l’Union. Et son combat commence à porter ses fruits. La Belgique a fini par adopter une telle loi en 2019. Elle est entrée en vigueur le 1er février 2020. Le Luxembourg et les Pays-Bas ont embrayé, et le Portugal est en train d’en faire de même.

Des nuances selon les pays

Cette loi se base sur un principe : les patients guéris totalement d’un cancer et qui ne doivent plus subir de traitement (sauf l’hormonothérapie ou l’immunothérapie) doivent bénéficier du droit à l’oubli de leur maladie auprès des banquiers et des assureurs après une période de dix ans sans rechute. Plus question donc de surprime ou de refus de leur accorder un prêt s’ils entrent dans cette catégorie.

Quelques petites différences existent d’un pays à l’autre : ainsi en Belgique, on est obligé de déclarer son cancer quand on sollicite un prêt, même si l’assureur ne peut pas en tenir compte après dix ans. Dans les autres pays, on n’est pas obligé de le faire.

Autre différence : en Belgique, il n’y a pas de plafond pour les crédits hypothécaires, alors que c’est le cas dans les autres pays : au Luxembourg, les prix des appartements et des maisons sont plus chers qu’en France ou aux Pays-Bas. Donc, le montant des emprunts octroyés par les banques aux survivants du cancer y est plus élevé : un million d’euros, contre 320.000 € seulement en France, ou 278.000 € aux Pays-Bas.

La Belgique à la pointe pour les indépendants

Outre l’assurance « solde restant dû » (dans le cas de prêts hypothécaires), ce droit à l’oubli du cancer après dix ans va aussi concerner dans notre pays l’assurance « revenu garanti », qui permet de pallier une incapacité de travail chez les travailleurs indépendants. Le secteur des assurances en Belgique a été le premier à adopter un code de conduite en ce sens. Il entrera en vigueur le 1er février 2022.

Pour certains types de cancer, le délai de dix ans pour obtenir le droit à l’oubli se voit sérieusement raccourci. Une grille de référence des cancers ayant un très bon taux de guérison a été dressée dans chacun des pays qui ont adopté la loi. En Belgique, l’arrêté royal instaurant cette grille est paru le 1er avril 2020. « On y retrouve le cancer des testicules, le petit cancer du sein, la maladie de Hodgkin, ou encore les leucémies chez l’enfant et le cancer de la thyroïde. Pour ces cancers, le droit à l’oubli est de mise jusqu’à un an seulement après la guérison totale, par exemple pour le cancer du sein « in situ », le mélanome de la peau et le cancer du col de l’utérus ».

Cependant, alors que dans les autres pays qui ont légiféré, les enfants jusqu’à 18, voire 21 ans, bénéficient déjà du droit à l’oubli au bout de 5 ans, en Belgique ils doivent toujours attendre une période de 10 ans.

Le combat continue au niveau européen 

Françoise Meunier continue à se battre pour obtenir qu’une législation sur le droit à l’oubli soit adoptée dans les 27 Etats de l’Union européenne, sur base des modèles existant depuis 2016, et qui ont fait leurs preuves. Pourtant, même si tous les partis du Parlement européen avec lesquels elle est en contact semblent d’accord sur ce droit à l’oubli, le combat promet d’être encore long pour la cancérologue aujourd’hui retraitée : « j’ai dit à certaines Directions générales de la Commission européenne que je souhaitais voir cette législation aboutir en 2025. Leurs responsables m’ont tous regardé avec des grands yeux en disant que mon objectif était vraiment ambitieux ! Pourtant, il y a aujourd’hui dans l’Union européenne 20 millions de personnes qui ont survécu à un cancer ! Ce sont donc 20 millions de clients potentiels pour les assureurs. Et il y en aura de plus en plus dans les années à venir, à cause de l’augmentation du nombre de cancers, mais aussi et surtout grâce aux progrès de la médecine ».

Plume : Dominique Henrotte

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