Une nouvelle piste dans le traitement des cancers pédiatriques

Publié le 25 juillet 2019 dans Moments Forts, News


Sera-t-il possible de traiter certains cancers pédiatriques sans avoir recours à la chimiothérapie ? C’est l’espoir que donnent les résultats des recherches menées depuis 4 ans grâce au soutien du Télévie par la Professeure Anabelle Decottignies et son équipe de l’Institut de Duve (UCLouvain).

À l’heure actuelle, les thérapies pour soigner les cancers des enfants fonctionnent très bien mais elles présentent peu de spécificités. En effet, les chimiothérapies s’attaquent aux cellules cancéreuses mais également aux cellules saines et aux cellules souches de l’enfant. “Ce sont des thérapies qui sont efficaces car elles éradiquent le cancer. Mais le problème, c’est qu’elles ont des effets secondaires.”, explique la Professeure Anabelle Decottignies. En fonction de l’intensité du traitement, cela provoque souvent des dégâts impactant la vie future des jeunes à court et long terme. “Si on entame déjà sur leur capital de cellules souches, les enfants auront en quelque sorte un vieillissement prématuré de leur organisme. Puisque ces cellules assurent la régénération des tissus pendant toute la vie.”, précise-t-elle. Dès lors, la capacité des tissus à se régénérer diminue, alors que l’enfant qui guérit a encore de nombreuses années devant lui. Dans les cas les plus critiques, des soucis de surdité, de perte de vue, des problèmes cardiaques ou encore de fertilité peuvent survenir.

Vers une thérapie ciblée pour améliorer les traitements

C’est dans ce contexte que la chercheuse et son équipe de l’Institut de Duve viennent de découvrir une piste très encourageante vers un traitement moins toxique. L’objectif de cette équipe ? Trouver une thérapie ciblée détruisant les cellules cancéreuses sans toucher aux cellules saines de l’enfant.

Les télomères au cœur de leur recherche

Pour y parvenir, les scientifiques se sont penchés sur les télomères. Les télomères, ce sont les extrémités de nos chromosomes qui sont responsables du vieillissement des cellules. En temps normal, plus les télomères s’usent, plus nos organes vieillissent. À l’inverse, pour les cellules pathologiques, ils ne raccourcissent pas et continuent à se diviser indéfiniment. C’est ce qu’on appelle l’immortalité cellulaire. En se multipliant éternellement, les cellules cancéreuses s’amassent formant ensuite des tumeurs et des métastases.

Deux mécanismes de prolifération

Petit à petit, l’idée d’essayer de cibler ces télomères pour les obliger à vieillir et, par conséquent, les empêcher de se diviser a germé auprès des chercheurs. Mais comment ? Pour avancer dans cette direction, il a fallu d’abord analyser les mécanismes permettant cette jeunesse éternelle. Il en existe deux:

Le premier concerne 90 % des cas de cancers[1]: les cellules cancéreuses réactivent l’expression d’un gène embryonnaire. Lorsque nos cellules sont au tout premier stade de l’embryon, elles sont éternellement jeunes et ce, grâce à une enzyme, la télomérase, qui parvient à maintenir la taille des télomères. Rapidement après cette phase, les cellules repoussent le gène responsable de cette immortalité et l’horloge biologique est enclenchée. Dans 90 % des cancers, le gène de cette enzyme peut se réactiver, formant par la suite des tumeurs et métastases.

Le second s’applique aux 5 à 10% de cancers restants[2]. Dans ce cas-ci, les cellules malignes mettent en place un système alternatif appelé ALT. ALT pour Alternative Lengthening of Telomeres, ce qui signifie la prolongation alternative des télomères. Ce mécanisme n’est présent dans aucune de nos cellules saines et est propre à certains cancers, en particulier chez l’enfant. On le retrouve notamment dans les cancers pédiatriques tels que les cancers du cerveau (glioblastome ou neuroblastome) ou encore les cancers des os (l’ostéosarcome). Il est également présent dans certains cancers de l’adulte, notamment les sarcomes.

Une héroïne: la protéine TSPYL5

Et c’est ce mécanisme alternatif qui intéresse l’équipe de l’UCLouvain. En effet, “La plupart des tumeurs de l’enfant acquièrent ce caractère de prolifération indéfini qu’on appelle le mécanisme ALT et qui n’est jamais présent dans les cellules normales. Si on arrive à cibler spécifiquement ce mécanisme, on sait qu’on épargnera toutes les cellules souches et les cellules normales.”, explique la Maître de recherches au FNRS. Le 2 juillet dernier, les scientifiques annonçaient avoir trouvé une cible potentielle. Son nom: TSPYL5. “C’est la première fois qu’on a une protéine qui est vraiment spécifiquement importante au mécanisme ALT. Lorsqu’on enlève cette protéine, les cellules cancéreuses meurent.”, développe la Professeure Decottignies.

La suite ?

Les perspectives sont encourageantes mais le travail n’est pas encore terminé. Il faut encore tester ces molécules en culture afin de trouver la bonne molécule pour établir une thérapie ciblée. Cela pourrait encore prendre une dizaine d’années. J’espère qu’on trouvera quelque chose et que cela fonctionnera. Ça ne va pas être un chemin facile mais on va essayer. La cible est vraiment très prometteuse.”, se réjouit la chercheuse.

Chaque année, en Belgique, il y a en moyenne 350 nouveaux cas de cancers chez les enfants pour 70 000 cas chez les adultes[3]. Ces maladies rares représentent moins d’1 % de tous les cancers[4] mais ont tout autant besoin de notre soutien. Grâce à cette précieuse découverte, l’espoir de trouver de meilleures thérapies anti-tumorales pour les enfants s’agrandit. C’est un pas de géant dans la recherche contre les cancers pédiatriques.

Aujourd’hui, plus que jamais, cet avancement est la preuve irréfutable que la recherche ne cesse d’avancer. Et qu’il faut, ensemble, continuer à se mobiliser pour vaincre la maladie !

[1] Source : UCLouvain – « Cancers pédiatriques : un petit pas vers la thérapie ciblée », parution 03 juillet 2019.

[2] Source : UCLouvain – « Cancers pédiatriques : un petit pas vers la thérapie ciblée », parution 03 juillet 2019.

[3] Source : UCLouvain – « Cancers pédiatriques : un petit pas vers la thérapie ciblée », parution 03 juillet 2019.

[4] Source : Belgian Cancer Registry, parution 2016.


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