Protonthérapie : des rayons de pointe

Publié le 30 octobre 2020 dans Moments Forts, News


Environ 40 à 50 % des patients atteints d’un cancer bénéficient d’un traitement par radiothérapie (irradiation), soit seul, soit en combinaison avec d’autres traitements comme la chimiothérapie. Malgré les progrès, la radiothérapie classique (conventionnelle) ne permet pas toujours d’épargner les tissus sains qui entourent la tumeur.
La protonthérapie, qui utilise des faisceaux de protons et non des rayons X, permet de cibler de manière plus précise les cellules cancéreuses. « La particularité des protons est qu’ils parviennent à déposer la dose à une profondeur donnée : ils s’arrêtent au niveau de la tumeur et ne vont pas au-delà », détaille Xavier Geets, Chef de service de radiothérapie oncologique aux Cliniques universitaires Saint- Luc et promoteur Télévie.

Tumeurs pédiatriques et qualité de vie

Un des avantages majeurs de la protonthérapie est qu’elle diminue le risque de cancers qui se développent parfois 20 ou 30 ans après le traitement. « Les rayons X abîment les cellules sur leur passage et risquent d’occasionner des mutations.
Avec la protonthérapie, on diminue grandement la probabilité de développer ces cancers secondaires
», explique Carine Michiels, biologiste au sein de l’Unité de Recherche en Biologie cellulaire (URBC) de l’UNamur et promotrice Télévie.

La protonthérapie est ainsi particulièrement indiquée pour les tumeurs pédiatriques puisque les enfants ont par définition plus d’années d’espérance de vie devant eux et donc plus de risques de développer des cancers secondaires.

Les effets secondaires de la radiothérapie sont aussi généralement plus sévères chez les enfants car les organes qu’on irradie sont en croissance », ajoute Xavier Geets.
« Les conséquences fonctionnelles ou esthétiques peuvent alors être importantes. » Une irradiation au niveau du cerveau d’un enfant en bas âge peut par exemple entraîner un retard mental. De même, l’irradiation d’une jambe ou d’un bras peut provoquer un arrêt de la croissance de l’os et créer une asymétrie, des problèmes de marche, etc. Là encore, la protonthérapie, par sa précision, limite ces effets secondaires. « On guérit aujourd’hui énormément de cancers pédiatriques. Préserver la qualité de vie après le traitement est donc primordial », souligne Xavier Geets.
Actuellement, en Belgique, la liste d’indications standards établie par l’INAMI pour la protonthérapie inclut la plupart des tumeurs de l’enfant mais aussi certaines tumeurs de l’adulte. « La protonthérapie est indiquée pour les tumeurs qui se trouvent à proximité d’un organe très précieux, comme le nerf optique, la moelle épinière, le cerveau ou le cœur », commente Carine Michiels.

Bientôt en Belgique

Si la protonthérapie existe depuis plusieurs décennies, elle connaît depuis quelques années un véritable essor. Cet été, un premier centre de protonthérapie a ouvert ses portes en Belgique, à Louvain. « Jusqu’à aujourd’hui, pour bénéficier de la protonthérapie, les patients belges devaient se rendre en France, en Suisse ou en Allemagne », précise Xavier Geets. « Ces patients étaient alors isolés de leur environnement social et familial pendant un temps assez long puisqu’un traitement par protonthérapie s’effectue généralement sur six semaines. »
Ce nouveau centre de traitement et de recherche est issu du projet ParTICLe, une collaboration entre l’UZ Leuven/KU Leuven et les Cliniques universitaires Saint-Luc/
UCLouvain, avec le soutien de l’UZ Gent, l’UZA, l’UZ Brussel et du CHU UCLouvain Namur. « C’est un exemple assez unique de collaboration par-delà la frontière linguistique.
Elle a permis de regrouper les meilleurs experts, notamment au niveau pédiatrique
», souligne Xavier Geets. Un deuxième centre de recherche et de traitement devrait par ailleurs voir le jour dans les prochaines années à Charleroi, sur le site de l’hôpital Marie Curie, avec le soutien de la Région wallonne.
En Belgique, on estime qu’environ 180 à 200 patients pourraient bénéficier de la protonthérapie selon les indications actuelles de l’INAMI. « On peut s’attendre à ce que ces indications augmentent au cours du temps si les études cliniques démontrent l’avantage de la protonthérapie sur la radiothérapie conventionnelle », précise Xavier Geets. Côté coût, la protonthérapie coûte aujourd’hui environ six fois plus cher que la radiothérapie classique mais beaucoup moins cher que l’immunothérapie. « Un traitement par protonthérapie coûte entre 30.000 et 35.000 euros. L’immunothérapie, dont on parle beaucoup aujourd’hui, coûte 100.000 euros par an et ne fonctionne que chez un patient sur cinq. En comparaison, ce n’est finalement pas si coûteux », argumente Xavier Geets. « Si les études cliniques confirment que la protonthérapie entraîne moins d’effets secondaires que la radiothérapie conventionnelle, son coût global pourrait être relativisé », conclut Carine Michiels.
Julie Luong


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