À 57 ans, Michel, professeur de « Viet vo dao », un art martial vietnamien, entrevoit enfin l’avenir avec optimisme. Lorsque nous l’avons contacté, il devait encore passer un bilan complet avant d’être déclaré en rémission. Il a repris son travail de gestionnaire dans une société de logements sociaux. L’épreuve traversée par sa fille Fanny, décédée de la maladie de Hodgkin il y a 10 ans, l’a aidé dans sa lutte contre le cancer des amygdales qui l’a frappé à son tour il y a deux ans. « Chimiothérapie, radiothérapie : grâce à ce qu’a vécu Fanny, je savais bien où j’allais, les traitements et les complications éventuelles que j’allais avoir. J’avais donc moins peur, je savais comment j’allais réagir ». La maladie de Michel a changé énormément de choses dans sa vie au quotidien, lui qui entretenait toujours avec son épouse Martine une forme de deuil de leur fille Fanny au sein de leur foyer. « Nous avons profité de cette nouvelle épreuve pour rénover notre maison. On a tout éclairci, changé nos meubles, éliminé les plus mauvais souvenirs. On a refait toute la chambre de Fanny, qui n’avait plus bougé depuis dix ans. Nous ne l’oublions pas pour autant, mais nous avons décidé de voir le côté positif de la vie ».
Marc est en rémission depuis trois ans et demi d’un cancer du poumon. À 50 ans, ce dynamique entrepreneur liégeois, ami proche de l’animateur de RTL Ludovic Daxhelet, suit toutes les trois semaines un traitement à base d’immunothérapie. « Je vis une vie tout à fait normale, avec encore des douleurs au dos, suite à mon opération. Seul bémol : je viens d’apprendre il y a quelques semaines que j’étais diabétique, ce qui m’oblige à me piquer deux fois par jour. Mais je ne me laisse pas abattre pour autant ».
Quant à Emmanuel, il va très bien. Un vrai miracle. Le petit garçon de 8 ans est en rémission à la suite de sa deuxième greffe de moelle après une leucémie myéloblastique aiguë. Il va tous les 15 jours à l’hôpital pour une saignée de globules rouges, car depuis sa greffe, il en produit trop. Pour son père Jean-Yves, « son parcours scolaire se poursuit sans problème. Il va rentrer en 3ème primaire. Ses résultats sont très bons. C’est un petit garçon curieux de tout, qui pose de nombreuses questions. Côté moral, Emmanuel a toujours la pêche. Il ne se plaint jamais ». Le football demeure sa grande passion. Il s’entraîne à Heusy, près de chez sa maman, et suit des stages à Anhée, près de chez son papa. Il a évidemment suivi de près les Diables Rouges lors de l’Euro, tout en collectionnant les autocollants de l’album Panini.
À 46 ans, Sandrine était atteinte voici deux ans d’un cancer du sein triple négatif. Elle continue ses suivis tous les trois mois. « Pas de récidive en vue pour l’instant. Tout va donc très bien, même si les effets secondaires sont toujours un peu compliqués à gérer. Je n’ai donc repris le travail qu’à mi-temps médical, en tant que coordinatrice extra-scolaire ». Sandrine reste en contact avec la chanteuse Fanny Leeb, qu’elle avait rencontrée l’an dernier dans le cadre du reportage diffusé lors de la soirée du Télévie. Grande nouvelle enfin : Sandrine est devenue grand-mère d’un petit Achille, le 2 avril dernier.
Quelles leçons tirent-ils de leur maladie ?
Souffrir d’un cancer ne laisse personne indemne. Mais la maladie fait aussi beaucoup réfléchir ceux qui sont amenés à l’affronter. C’est le cas pour nos quatre témoins de 2020.
« Le sport et ses valeurs m’ont fort aidé, souligne Michel : par la douleur qu’il entraîne parfois, et la résistance physique qu’il implique. À travers cette épreuve, j’ai découvert mes limites, jusqu’où mon corps pouvait aller. J’ai aussi vu les bienfaits d’avoir autour de moi un bon entourage, une famille aimante et des amis fidèles. Avec le retour aux valeurs essentielles de la vie : l’amour, l’amitié, la famille ».
« Ne pas oublier ses vraies valeurs, et prendre soin de soi et des autres, c’est aussi la leçon que tire Sandrine. Sans les autres, on n’est pas grand-chose. Voir la souffrance dans les yeux de mes proches, ça m’a donné la force de tenir debout. Je voulais être forte pour leur éviter de souffrir ».
Pour Marc aussi, les proches sont essentiels : « entourez-vous des bonnes personnes, celles qui vous tireront vers le haut. Pour moi, c’est 70 % de la guérison. Aujourd’hui, je suis toujours là, malgré mon cancer, malgré un Covid très sévère où j’ai cru vraiment que j’allais mourir, tant ma détresse respiratoire était grande. Sans mon entourage, il n’y avait aucune chance que je sois encore en vie aujourd’hui. Autres conseils de Marc : essayez de penser le moins possible à la maladie, et formulez des projets ! Rester chez soi à ne rien faire, ce n’est pas une solution ».
Enfin, pour Jean-Yves, le papa d’Emmanuel : « il faut toujours essayer d’amener du positif au malade, c’est ce que nous avons fait avec Emmanuel, malgré le pronostic très pessimiste des médecins qui ne lui donnaient plus que six mois d’espérance de vie. Grâce à l’Union belge de Football, notre fils a pu rencontrer toutes les stars du foot belge. Il a pu accompagner Axel Witsel pendant presqu’une journée au Borussia Dortmund. Il nous en parle encore aujourd’hui. La leçon à tirer, c’est que malgré une image noire, il faut toujours chercher la lumière».
L’avenir, comment l’envisagent-ils ?
Avoir frôlé la mort, avoir survécu au cancer, cela n’empêche pas de formuler des projets pour l’avenir, que du contraire !
Ainsi, pour Michel, « nos projets, à présent, c’est de pouvoir recevoir chez nous tous ceux qui nous ont entourés pendant toutes ces années de galère ».
Marc, lui, vient de créer trois nouvelles sociétés, après avoir vendu la sienne pendant sa maladie, en pensant qu’il allait mourir. « J’ai un de mes meilleurs amis qui m’a dit : toi, tu ne mourras pas de ça. Ces nouvelles sociétés, ce sont des projets qui ont du sens, comme « Gaz Educ », qui vise à prévenir des risques liés à l’utilisation du gaz. J’ai deux enfants de 19 et 14 ans qui sont toute ma vie. Je n’ai pas le droit de baisser les bras ».
L’avenir d’Emmanuel, son père l’espère « le plus long possible. J’espère qu’il fera des études qui lui plairont, qu’il pourra se marier. Malheureusement, les traitements qu’il a reçus ne lui permettront pas de donner la vie. C’était le prix à payer. Sa croissance et sa puberté seront fortement ralenties. Il faudra lui expliquer tout cela, mais il a une force de caractère incroyable. Personne ne lui marchera sur les pieds. Il voulait être footballeur professionnel, maintenant il souhaite plutôt être coiffeur ».
De son côté, Sandrine s’apprête à relever un nouveau défi. Elle devrait participer en novembre au prochain voyage organisé par l’Asbl « EnVie » sur l’île de La Réunion. « Une randonnée à pied jusqu’au sommet du Piton des Neiges, le point culminant de l’île, à quelque 3.000 m d’altitude. J’y accompagnerai d’autres malades du cancer qui sont en rémission ». Sandrine participera également ce 26 septembre à une course parrainée au profit de l’association « KickCancer », qui lutte contre le cancer des enfants.
L’avenir à plus long terme, elle l’envisage toujours avec crainte. « J’attends vraiment le cap des 5 ans après la guérison avec impatience. La peur de rechuter est toujours bien présente. Mais mon cancer m’a permis de mieux faire la part des choses. Désormais, une futilité reste une futilité. Je me suis retrouvée moi. Et c’est là l’essentiel ! ».
Leur message aux patients
Nos témoins de l’an dernier tiennent aussi à donner quelques petits conseils à tous ceux qui seraient amenés à subir le même sort qu’eux, et à leur entourage.
« Premièrement, affirme Michel, c’est de se résigner à accepter d’être malade, parce que ce n’est pas évident au départ, et ensuite de se battre à fond, parce que la vie vaut la peine d’être vécue. Même dans la maladie, on peut découvrir des choses merveilleuses autour de soi, et des gens merveilleux ».
Pour Sandrine, « malgré le sentiment d’avoir un 10 tonnes qui vous passe sur le corps, il faut toujours y croire. Le corps a des ressources qu’on ne soupçonne parfois pas ».
Jean-Yves, le père d’Emmanuel, conseille à tous les parents qui passeront par là un jour, « de toujours croire en son enfant, en sa force de caractère, et son envie de se battre. Et il faut toujours être optimiste. Ne jamais pleurer devant son enfant, toujours lui dire que c’est lui qui va gagner contre la maladie, toujours le rassurer. Ça aide déjà beaucoup dans le processus de guérison. Et en tant que couple séparé, nous avons toujours fait en sorte de laisser nos rancœurs de côté, pour faire bloc au profit d’Emmanuel. C’est bénéfique pour le malade comme pour le corps médical. Sans le Télévie, conclut le papa d’Emmanuel, notre fils ne serait plus là. Il y a 20 ans, il n’aurait eu aucune chance de s’en sortir. Il est l’exemple même que la recherche sert à quelque chose ».
Pour Marc, enfin, « les malades ont besoin d’espoir. Le Télévie, il faut y croire, ne pas avoir peur de donner. Je suis la preuve vivante que ça marche, que la recherche progresse. Aujourd’hui, c’est moi. Demain, ce sera peut-être vous… ».
Plume : Dominique Henrotte