Parler du cancer aux enfants avec les mots justes

Publié le 18 février 2025 dans News


Enseignante en primaire, Florence Valentin s’est remise d’un cancer de l’ovaire. Depuis, elle passe dans toutes les classes de son école pour expliquer ce qu’est le cancer à l’aide du kit pédagogique du Télévie.

Solaire et enjouée, Florence Valentin est enseignante de 1ère primaire à l’école Saint-Antoine de Bouvy (La Louvière) depuis 2015. En juillet 2018, alors âgée de 26 ans, elle commence les vacances en repeignant sa classe. Pensant faire une allergie à la peinture en raison d’un gonflement anormal du ventre, elle décide, bien qu’elle ne consulte jamais de médecin, d’y aller cette fois-ci. L’échographie d’urgence prescrite lui sauvera la vie : Florence Valentin a un cancer de l’ovaire au stade 3A.

La prise en charge est immédiate et extrêmement intensive. Son cancer, un dysgerminome ovarien, est une forme rare pour laquelle les chances de survie sont meilleures. « Le traitement a très bien fonctionné. J’ai été opérée mi-juillet et une dernière fois mi-décembre. Ce furent six mois d’enfer total et de souffrances, avec beaucoup d’effets secondaires. Mais après, je n’avais “que” le suivi », relate-t-elle.

Une histoire à raconter

Dès 2019, dans les périodes de répit, elle décide de venir dans les classes raconter son histoire. « J’ai un lien très fort avec cette école. Et puis les enfants se demandaient pourquoi je n’étais pas là. Beaucoup d’adultes ont tendance à ne pas dire qu’il s’agit d’un cancer. Les enfants ont besoin de rester naïfs, bien sûr. Mais quand on ne dit pas les choses, ils s’inquiètent, s’imaginent des scénarios, restent seuls avec leurs questions et leurs émotions. Il est sain d’en parler. Que ce ne soit pas un tabou.

D’autant qu’aujourd’hui, il y a un cancer dans presque chaque famille. Avec mon vécu, je crois que je sais utiliser les mots justes pour expliquer ce qu’est le cancer. Et puis j’ai aussi découvert, à ce moment-là, le kit pédagogique du Télévie, qui est super bien fait. Il est disponible en ligne gratuitement et il décrit formidablement bien la vie avec cette maladie. Dans ce kit, il y a une histoire, celle de Lulu, une enfant qui a un cancer. Je me reconnaissais tellement dans cette histoire », raconte Florence Valentin.

Un flot de questions

Avec les tout-petits, elle ne raconte pas l’histoire, mais présente l’affiche du Télévie qui est dans toutes les classes. À partir de la 3ème maternelle, elle lit l’histoire de Lulu dans sa version « mini » et distribue les coloriages. Avec les plus grands, c’est la version « maxi » qui propose des activités et exercices du kit.

« Au final, Lulu est un fil rouge entre tous les âges. Tous connaissent l’histoire de Lulu », épingle la jeune femme.

Rodée et investie, Florence Valentin arrive en classe pour ces séances avec son pull et sa gourde Télévie. Et tout part de là. Les enfants veulent comprendre : qu’est-ce que le Télévie ? C’est une opération pour récolter de l’argent afin de lutter contre le cancer. Et le cancer, c’est quoi ? Est-ce qu’on en meurt forcément ? Est-ce que c’est contagieux ? Est-ce qu’on a beaucoup de piqûres ? Est-ce qu’on a mal quand on perd ses cheveux ? Mon chien a le cancer, est-ce qu’il va perdre tous ses poils ?

« Les enfants sont sans filtre. La réflexion est là et la discussion est ouverte. Ils ont une intelligence stupéfiante. On les sous-estime vraiment, alors qu’ils perçoivent énormément de choses et qu’ils comprennent », pointe l’enseignante.

Un partage de valeurs

« Je leur raconte l’histoire Lulu a un cancer… Et alors ? de Maureen Dor. Dans ce récit, c’est une enfant qui parle. Avec des mots d’enfant. Et je fais le lien avec mon histoire. Puis ils posent leurs questions parce que je suis aussi là comme témoin. Et on en vient à ce qu’on peut faire pour aider les gens qui ont le cancer : récolter de l’argent, acheter des objets du Télévie pour financer la recherche, être attentif à l’isolement social des personnes malades, leur demander comment elles vont, souligner qu’elles ont besoin de leurs amis et amies.

Tout cela charrie plein de valeurs : l’empathie, l’entraide, la générosité, la solidarité, l’altruisme. Ce sont les citoyens et citoyennes de demain. Si tous et toutes peuvent avoir ces valeurs-là, c’est tout gagné », souligne Florence Valentin.

Un exemple rassurant

L’école Saint-Antoine est d’autant plus sensible que trois enfants ont été tout récemment touchés par le cancer. Giulian, 8 ans, est décédé le 19 décembre 2023. Olivia, en maternelle, est guérie. Et Kiara, 9 ans, aussi. Elle qui, en plus de son combat contre la leucémie, a réussi à récolter plus de 3 tonnes de pièces rouges pour le Télévie 2024.

« Le plus beau des cadeaux, c’est la phrase de Kiara : quand elle a découvert son cancer, ses parents m’ont dit que grâce à vos interventions, Kiara savait ce que c’était. Elle leur a dit “C’est facile, je vais guérir comme Mme Florence.”

Si ça peut donner de l’espoir, mon expérience est utile. C’est la manière que j’ai trouvée pour avancer, pour “justifier” ce qui m’est arrivé », avoue Florence Valentin, qui nous demande de l’excuser parce qu’elle est intarissable. Mais cela tombe bien, puisque parler du cancer est l’un des leviers d’action.

Madeleine Cense


D'autres news