La vaccination anticancéreuse, une thérapie qui revient en force …

Publié le 31 janvier 2018 dans News


L’idée de pouvoir vacciner de manière thérapeutique des patients atteints de cancer est apparue dès que l’on a su que les tumeurs produisaient des antigènes spécifiques environ au milieu des années 90. « On a découvert en effet, explique Benoit Van den Eynde, que le système immunitaire était capable de reconnaitre les cellules cancéreuses et de les tuer in vitro et dans des modèles murins. On a alors tenté de stimuler le système immunitaire avec des cellules dendritiques, des peptides, des virus recombinants, etc« . Les essais cliniques ont démontré que le concept du vaccin pouvait fonctionner. Les réponses cliniques obtenues sur des patients présentant des mélanomes étendus étaient assez spectaculaires. Les phases 1 et 2 ont démontré des signes d’activité. « Selon les essais, il y avait de l’ordre de 20% des patients qui répondaient, dont 5 à 10% avec une réponse complète de façon durable, ce qui était déjà formidable pour l’époque dans le mélanome métastatique« .

Les causes de l’échec

Les essais cliniques de phase 3 ont malheureusement donné des résultats négatifs principalement en raison du choix de la plateforme de technologie vaccinale. « Cette plateforme était destinée au départ à réaliser des vaccins anti-infectieux et essentiellement antiviraux. Toutes les études le montrent : les effecteurs les plus importants pour combattre les tumeurs, ce sont les lymphocytes T CD8 cytolytiques. Or, pour les vaccins viraux, ce sont essentiellement des anticorps et des CD4 qui sont produits. Certains pensaient que l’on pourrait passer outre cette diffi culté en utilisant un adjuvant puissant« . L’Institut Ludwig à Bruxelles a fourni les antigènes dont MAGE 3 qui est intéressant puisqu’il est spécifi que et qu’il est exprimé dans un grand nombre de tumeurs touchant différents organes mélanome, poumons, etc. « L’analyse réalisée a posteriori chez les patients a montré que ceux-ci avaient effectivement produit des CD4 mais pas de CD8 antitumoraux« , continue-t-il.
De ce fait, la plupart des firmes se sont désintéressées de la production de vaccins thérapeutiques anticancéreux. « Il faut dire que les inhibiteurs de checkpoints immunitaires ont provoqué un tel engouement que les investissements ont été très importants dans ce domaine et avec raison au vu des résultats obtenus« , souligne e spécialiste. Néanmoins, cela a bien confirmé que le système immunitaire était un moyen efficace pour se débarrasser des tumeurs. « Toutefois, on sait aussi que les inhibiteurs de checkpoints immunitaires stimulent de manière non spécifique le système immunitaire, ce qui induit des effets secondaires de nature auto-immunitaire qui nécessitent parfois l’arrêt du traitement« , précise-t-il. Pour Benoit Van den Eynde, c’est un des éléments qui a participé à la réfl exion de la remise en route de programmes de vaccins anticancéreux, qui étaient à l’arrêt depuis quelques années.
Par ailleurs, les recherches menées chez les non-répondeurs aux anti-PD-1/anti-PDL1 ont montré que l’absence de réponses satisfaisantes chez certains patients était due à l’absence de lymphocytes anti-tumoraux. « Ces patients ne présentent pas de réponses spontanées contre leur tumeur ; c’est ce que l’on appelle des tumeurs froides, non infiltrées par des lymphocytes au départ. Or comme ces inhibiteurs de checkpoints immunitaires fonctionnent en boostant une réponse immunitaire présente, ils ne peuvent pas agir s’il n’y a pas de lymphocytes« . L’induction d’une réponse immunitaire permettrait alors à ces médicaments d’agir efficacement.

Créer des vaccins efficaces

Le meilleur moyen pour induire une réponse de ce type est naturellement le vaccin. Sachant qu’il faut produire essentiellement des lymphocytes T CD8 à partir d’antigènes tumoraux, rien n’empêche de créer alors des vaccins plus effi caces. « Il faut maintenant choisir une plateforme vaccinale permettant de produire des CD8 de manière efficace. Plusieurs possibilités s’offrent à nous« .
Les cellules dendritiques autologues chargées avec des peptides constituent un de ces moyens qui a été testé dans le temps et qui est toujours à l’étude dans certains groupes de recherches, mais c’est difficile à mettre en œuvre d’un point de vue logistique puisqu’il est nécessaire de prélever les cellules du patient et de les cultiver. Toutefois, elle donne des résultats intéressants.
« Une autre approche qui me parait très prometteuse est celle qui utilise des vecteurs viraux recombinants. Ce sont des virus dans lesquels il est possible d’intégrer le gène d’un antigène intéressant comme MAGE-3. Ce virus va infecter des cellules et va produire l’antigène MAGE-3 qui sera présenté comme un antigène normal qui pourra être associé au MHC-I de manière efficace et ainsi induire une production de CD8« . Le groupe de Benoit Van den Eynde a obtenu de bons résultats sur la souris grâce à cette approche. « Le problème avec les vecteurs recombinants est qu’il existe autour du virus une capside contenant des antigènes viraux. Comme des vaccinations de rappel sont nécessaires, lors de la deuxième injection, cela ne fonctionne plus à cause des anticorps dirigés contre ces antigènes viraux. Il faut donc utiliser un autre virus : c’est ce que l’on appelle le rappel hétérologue viral, avec un autre virus. C’est efficace aussi chez l’homme« . En effet, ce type d’approche est utilisé dans le développement de vaccin contre la malaria et cela fonctionne.
Alors que les vaccins ADN ont été abandonnés maintenant alors qu’ils avaient le vent en poupe il y a une quinzaine d’années, ce sont les vaccins ARN qui semblent être sur le devant de la scène avec de bonnes réponses CD8 tant chez la souris que chez l’homme. « Une autre possibilité est d’utiliser de longs peptides de 20 à 30 acides aminés qui sont capables par un mécanisme encore peu compris de charger sur les MHC-I les petits peptides constituant les antigènes. C’est une approche qui est à l’étude aux Pays-Bas, notamment pour lutter contre le cancer dû à l’HPV« .

Quel antigène choisir ?

A côté de la plateforme proprement dite servant à produire le vaccin, l’antigène qui y est inclus est au moins aussi important. « Tout le monde s’accorde pour dire qu’il est nécessaire d’obtenir un antigène spécifique de la tumeur. Je pense qu’il n’est pas raisonnable d’utiliser des antigènes surexprimés dans les tumeurs et exprimés à un certain niveau dans les cellules normales. Des essais cliniques de thérapie cellulaire adoptive ont été menés avec l’antigène carcino-embryonnaire (CEA) qui est exprimé dans les tumeurs, mais aussi au niveau de l’épithélium colorectal. Le traitement avec ce type d’antigènes a donné lieu chez tous les patients à des syndromes autoimmunitaires sous forme de colites qui ont obligé les investigateurs à arrêter l’étude« .
Il est donc essentiel de réduire la recherche des antigènes à ceux qui sont réellement spécifiques aux tumeurs. « Les antigènes de type MAGE sont de bons candidats puisqu’ils sont exprimés dans les cellules cancéreuses et pas dans les tissus normaux, à l’exception des cellules germinales masculines, mais qui, elles, n’expriment pas les molécules de MHC classe I de surface. L’autre groupe est constitué par ce qu’on appelait avant les antigènes mutés et rebaptisés aujourd’hui comme « néoantigènes ». Ils correspondent à des peptides venant d’une région mutée d’une protéine cancéreuse. La spécificité est parfaite, mais la difficulté principale réside dans le fait que ces peptides sont différents d’un cancer à l’autre et d’un individu à l’autre. Il est donc impossible de créer un vaccin identique pour tout le monde« . La création d’un vaccin personnalisé était jusqu’il y a un an ou deux totalement inimaginable. Avec l’amélioration des techniques de séquençage et la diminution des coûts, c’est aujourd’hui envisageable. Encore faudra-t-il trouver la plateforme permettant aux patients de développer des CD8, mais cela ne devrait pas poser de problèmes majeurs. Cependant, on peut se poser la question de savoir si l’hétérogénéité tumorale ne va pas poser un problème. « Je ne le pense pas, car la tumeur qui sera détruite va libérer d’autres antigènes spécifiques contre lesquels des CD8 spécifiques pourront être produits. Il suffit de démarrer la réaction pour obtenir un phénomène autoentretenu. C’est néanmoins un défi logistique pour que le patient n’attende pas 6 mois son vaccin. Les vaccins à ARN sont, de ce point de vue, plus simples à produire et représentent un avantage« .
Il est donc important de réveiller l’immunité antitumorale de manière spécifique et les vaccins représentent une solution élégante parmi d’autres. « Les vaccins anticancers ont donc encore un bel avenir et permettront d’améliorer encore les autres formes d’immunothérapie« , conclut le spécialiste bruxellois.

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