Comment «bien» vivre après un cancer
Publié le 8 mai 2024 dans Moments Forts
Répondre à la question est complexe. Le Télévie a choisi de partager les témoignages de Catherine d’Hainaut, victime d’un cancer de la langue en 1980, et d’Annabelle Martin, qui se remet depuis un peu plus d’un an d’un lymphome.
Catherine d’Hainaut a vécu un parcours de combattante. « Le 7 octobre 1980, le jour de mes 18 ans, j’ai subi une biopsie révélant une tumeur épithéliale spinocellulaire, un cancer de la langue au pronostic vital engagé », raconte l’intéressée. Sans intervention, il lui restait deux semaines à vivre.
Après moult traitements et opérations, Catherine s’en sort, mais encore aujourd’hui, elle se souvient de la douleur du cancer et elle subit encore les conséquences de son traitement et de ses 90 interventions chirurgicales. « Il me reste un tiers de langue (l’interview s’est faite par écrit, ndlr). Le nez, les pommettes, la mâchoire, la joue, la bouche… tout a été refait. Pas pour l’esthétique, simplement pour pouvoir atténuer les douleurs. » Car la radiothérapie – qui était alors bien plus agressive qu’aujourd’hui – continue, 42 ans après, de faire des dégâts. « Les voies respiratoires sont touchées, j’ai de fausses déglutitions, la thyroïde brûlée. »
Positive malgré tout
L’après-cancer, Catherine le vit parfois difficilement. « On ne guérit psychologiquement pas du cancer, on apprend à vivre avec », résumet-elle. « Après 43 ans de traitements en tout genre, on a rencontré plus de médecins et d’infirmiers que d’amis. »
Malgré tout ce qui lui est arrivé, Catherine respire la vie. Elle ne se considère pas comme une patiente depuis 43 ans. « J’ai aussi fait ma vie de femme », raconte celle qui se définit comme bavarde. « C’est peut-être étrange à dire, mais avoir vécu un cancer n’a pas forcément que des mauvais côtés. J’ai vécu des moments formidables, des anecdotes inoubliables. C’est dans les pires moments d’une vie que l’on se sent le plus vivant. »
« Vivre 43 ans avec autant de problèmes relève soit du courage, soit de l’inconscience, ou peut-être des deux », explique Catherine, célébrée pour son courage lors du défilé national du 21 juillet 2022. « La vie continue avec ses joies et ses peines. Je suis de nature positive donc je préfère retenir le meilleur. »
Une philosophie positive
Cette vision de la vie, où l’on profite de chaque instant, c’est ce qui rassemble les deux témoignages. Annabelle Martin a été diagnostiquée d’un lymphome en octobre 2022. Elle avait 26 ans. En mars 2023, après des cycles de chimiothérapie et une immunothérapie dans le même temps, ce qui l’envoie toutes les deux semaines à l’hôpital, l’équipe médicale lui annonce qu’elle est en rémission.
« Il est possible de positiver après la maladie, et même pendant », explique Annabelle Martin. « Les perspectives sont là, elles sont belles. La maladie n’est plus là, même si le confort de vie est très impacté. Ce qui m’aide à aller de l’avant, c’est de me dire que la santé est de retour, que je suis libre. »
Cette liberté dont parle Annabelle est à la fois physique et mentale. « Je suis plus libre aujourd’hui que lorsque j’étais malade. Je suis objectivement moins fatiguée. Mais je suis aussi plus libre mentalement qu’avant la maladie car j’ai traversé beaucoup d’épreuves qui m’ont permis de relativiser. La vie après cancer a donc un goût sucré, chose qu’il est difficile à imaginer avant d’avoir un cancer. L’idée que tout peut basculer d’un jour à l’autre donne une autre saveur à la vie. »
L’importance de la famille
Les deux femmes ont surtout pu compter sur leur entourage pour traverser leurs épreuves respectives. « Mes parents, ma sœur, mon petit copain ont été très importants pour moi. Ils m’ont aidée à me sentir mieux, à penser à autre chose, à faire autre chose. La lecture m’a également beaucoup aidée. Enfin, partager mon expérience sur les réseaux sociaux et discuter avec d’autres personnes m’a également beaucoup apporté. »
De son côté, Catherine mentionne l’énorme impact que la maladie a eu sur sa famille. « Ma fille a dû subir mes hospitalisations à répétition depuis qu’elle est petite. Mes parents se sont privés pour que je vive. » Ce qui réjouit Catherine, c’est d’avoir réussi à construire une vie malgré tous ces problèmes. « J’ai énormément de chance car ma maman est toujours présente. J’ai une fille dont je suis extrêmement fière. Et j’ai une petite fille qui est une vraie bouffée d’air frais. Bref, je suis heureuse. »
« La vie est belle »
Pourtant en rémission, Annabelle n’a pas peur du retour de la maladie. « Je sais que cela n’est pas représentatif du vécu des personnes après cancer, mais je n’y pense jamais. Je me suis dit pendant mes traitements que cela ne reviendrait pas. C’est un travail mental que j’ai entamé il y a un peu plus d’un an. Maintenant, je ne pense plus à la maladie, sauf quand j’ai un rendez-vous de suivi à l’hôpital, c’està-dire tous les trois mois. »
Aujourd’hui, Annabelle a repris le cours de sa vie, le sport, le travail. « Cela aurait pu avoir un impact négatif sur mon travail, mais mon employeur a été très compréhensif. J’ai pu rejoindre l’entreprise plus tard, et démarrer par un mi-temps. Je serai en 4/5e à partir d’avril. »
« La vie est belle », conclut, de son côté, Catherine. « J’ai eu beaucoup de chance d’être malade jeune, car j’ai appris le prix de la vie, et j’en ai mieux profité. J’ai goûté chaque minute aux joies quotidiennes, je n’ai pas peur de dire aux gens que je les aime. Si l’on réfléchit bien, il en faut peu pour être heureux. »
Crédits : Laurent Zanella