L’infertilité chez l’enfant, une histoire d’inégalités

Publié le 21 octobre 2020 dans Moments Forts, News


La radiothérapie et la chimiothérapie peuvent provoquer l’infertilité du patient, adulte comme enfant. En cause, pour la radiothérapie, l’irradiation qui peut toucher les ovaires dans un cas, les testicules dans l’autre. Concernant la chimiothérapie, c’est l’effet toxique du médicament qui est à l’origine des problèmes de fertilité.
L’effet est transitoire ou définitif, selon les doses imposées par le traitement, l’âge du patient ou encore l’agressivité du cancer.
Il est possible de prévenir ces effets secondaires dans certains cas. Les ovaires des patientes sont ainsi déplacés plus haut dans le ventre afin d’éviter la zone d’irradiation directe. « Pour les hommes, c’est plus simple : il suffit de poser des masques sur les régions sensibles », commente Anabelle Decottignies, Maître de recherches FNRS à l’UCLouvain et promotrice Télévie. « Ces méthodes ne concernent cependant que la radiothérapie car avec la chimiothérapie, on ne peut pas protéger les organes. »

Inégalité enfants-adultes
Chez l’enfant, la radiothérapie n’est pas courante. C’est plutôt la chimiothérapie qui constitue la norme. L’une des raisons est que les enfants sont davantage touchés par des cancers rares, tels les sarcomes, les rétinoblastomes, les neuroblastomes ou encore les tumeurs cérébrales. Malheureusement, qui dit cancers rares dit moins d’investissements dans les thérapies innovantes. « Le traitement de ces cancers est à la traîne. Les chimiothérapies utilisées datent des années 80, rien n’a évolué. Elles sont très lourdes et ont des effets secondaires monstrueux à court et long termes », regrette Anabelle
Decottignies. Parmi ces effets secondaires, on retrouve l’infertilité.

Quelles solutions ?
Concernant la préservation de la fertilité, tout dépend de la puberté. « Si l’enfant est pubère, il y a moyen, comme chez l’adulte, de prélever les spermatozoïdes ou un des deux ovaires et de les congeler. On sauve donc un stock que le patient peut utiliser plus tard », explique Anabelle Decottignies. « Si l’enfant est prépubère, la solution est de prélever du tissu testiculaire ou ovarien et de le congeler. »
Ici, l’inégalité se situe entre garçons et filles. Concernant les filles, la Belgique est pionnière. « Effectivement, nous sommes le premier pays, avec la Suède, à avoir ouvert des banques de congélation en 1996 », se félicite Marie-Madeleine Dolmans, gynécologue obstétricienne, Cheffe de clinique à l’UCLouvain (Saint-Luc) et promotrice Télévie.
« Nous sommes également le premier pays au monde à avoir vu naître un bébé après transplantation de tissu ovarien, justement à l’UCLouvain [en 2004, ndlr]. » Deux des trois premiers bébés issus de cette technique sont d’ailleurs nés en Belgique francophone.
Concernant les garçons, la situation est malheureusement plus compliquée. « Il n’y a pas encore eu de bébé. Nous n’avons pas la preuve que la technique fonctionne », relate Marie-Madeleine Dolmans. « Nous n’en sommes encore qu’à l’étape de congélation du tissu testiculaire immature, et pas encore à l’étape de greffe en application clinique. »


Le point sur la recherche

Heureusement, la recherche avance. Notamment sur le développement de nouvelles molécules anticancéreuses permettant d’éviter les effets secondaires des traitements. « Je travaille sur de nouvelles approches pour éviter que l’enfant traité contre un cancer ne soit atteint de surdité ou dans le cas qui nous occupe, d’infertilité », confie Anabelle Decottignies. L’objectif est simple : améliorer les thérapies ciblées.
Difficile cependant d’avancer un agenda à court et moyen termes. « Le problème, dans la recherche de nouvelles molécules, réside dans la procédure longue qu’elle sous-entend. Les essais cliniques et les autorisations nécessaires peuvent prendre une dizaine d’années. Et à l’arrivée, on n’est jamais certain de l’efficacité clinique de ces nouvelles molécules. »
La recherche est cependant mobilisée pour faire bouger les choses et des collaborations, tant nationales qu’internationales, sont mises en place. Une raison d’espérer.

L’opération en pratique
Pour prélever le tissu immature, qu’il soit ovarien ou testiculaire, il faut opérer l’enfant avant le traitement anticancéreux qui est toxique pour les gonades – les organes reproducteurs. Il s’agit d’une opération par laparoscopie (chirurgie non-invasive). Une anesthésie générale est donc nécessaire. Il ne faut évidemment pas la prendre à la légère.
Le consentement des deux parents, condition sine qua non à l’opération, est l’occasion de parler des tenants et des aboutissants de l’acte médical. « La discussion avec les parents est facile, mais la décision des parents, elle, ne l’est pas », souligne Marie-Madeleine Dolmans. « Il s’agit tout de même d’une opération supplémentaire infligée à leur enfant. » En plus, la technique n’offre pas toutes les certitudes, a fortiori si le patient est un garçon prépubère. Enfin, toute opération sous anesthésie générale comporte des risques, bien que ceux-ci soient limités. « À l’UCLouvain, il y a eu 700 cas depuis 1997. Aucun n’a posé problème », conclut la gynécologue.


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